Image
L'électricité va-t-elle manquer dans les années à venir? Avec l'explosion de la demande des voitures électriques, la question peut en tout cas être posée.


L’électrification du parc automobile belge devrait connaître une accélération très rapide. En cause, notamment, l’entrée en vigueur de la loi “Van Peteghem”. Celle-ci prévoit que seules les voitures de société (neuves) neutres en carbone pourront encore être déductibles fiscalement à partir de 2026. L’infrastructure et la quantité d’électricité seront-elles suffisantes pour charger tous ces véhicules?

électricité véhicules
A la maison, au bureau ou dans l’espace public, la question de la disponibilité de l’électricité se pose pour les années à venir.

La loi “Van Peteghem”, du nom du ministre qui l’a imaginée, prévoit donc que les voitures de société non neutres en carbone nouvellement immatriculées ne pourront plus être déduites fiscalement à partir du 1er janvier 2026. Et, dès lors, les entreprises vont devoir investir massivement dans les voitures 100% électriques à partir de cette date. Sinon, elles perdront de gros avantages fiscaux. Le choix risque d’être très vite fait…


La voiture électrique, “la” responsable?

On le sait, le marché des particuliers a tendance à suivre le marché fleet à quelques années d’écart. Les voitures de société étant la source d’alimentation principale du marché de l’occasion en Belgique. D’ici à 10 ans, on pourrait ainsi compter une majorité de voitures full électriques sur notre réseau routier.

Se pose dès lors la question de la production d’électricité. Si tous les conducteurs passent à l’électrique rapidement, notre production actuelle sera-t-elle suffisante ? Et comment pourra-t-on produire ou obtenir le surplus nécessaire ? Il ne faudrait pas devoir remettre davantage de centrales nucléaires en activité pour pouvoir accuser la surconsommation.

Sur cette question, Bart Massin, Managing Director de Stroohm, société spécialisée dans le conseil et le développement de solutions de recharge se veut rassurant. “Si on suppose qu’un million de véhicules entièrement électriques circulent sur nos routes d’ici quelques années, ils ne représenteraient en réalité que 4% de la consommation totale d’électricité nationale. La voiture électrique n’est pas si énergivore. Les grands consommateurs d’électricité sont ailleurs.”

Pour appuyer ses propos, il se réfère aux chiffres de la FEBEG (Fédération des Entreprises Belges d’Electricité et de Gaz). “En 2018, 46,1 % de la consommation d’électricité de notre pays a été le fait de l’industrie, 26,1 % sont allés au secteur des services et 21,9 % au résidentiel.”


Le réseau actuel suffit!

Des propos qu’Engie, fournisseur d’électricité, a confirmé au travers d’une étude fin de l’année dernière. “Le parc automobile belge compte aujourd’hui 5,88 millions de voitures. Parmi elles, 20.500 sont déjà des électriques. Or le réseau actuel belge est capable d’accepter 1 million de voitures électriques.”

Une autre étude menée par la CREG (Commission de Régulation du Gaz et de l’Electricité) en 2017 abondait déjà dans le même sens. Elle assurait alors que notre capacité de production actuelle permettrait de recharger “jusqu’à 2 millions de véhicules électriques”. Mais il faudrait alors que leur recharge soit régulée dans le temps de façon à éviter les pics de consommation. Suffisant quand on sait qu’Elia estime que notre parc automobile ne comptera “que” 1,5 million de voitures électriques d’ici à 2030 selon ses projections.

Toutefois, si l’ensemble du parc roulant passait subitement à l’électrique, le Pr Damien Ernst, spécialiste de l’électricité à l’ULiège, estime qu’il faudrait alors ajouter 20 térawatts/h aux 80 de consommation moyenne annuelle de notre pays. Un surplus que les batteries domestiques ou d’autres solutions (voir ci-après) pourraient largement compenser.

électricité
La part du nucléaire est encore importante chez nous.... mais jusqu’à quand?


Produire plus d’électricité verte

Parmi ces solutions, il y a l’augmentation de la production d’énergies renouvelables, encore trop faible à l’heure actuelle. En 2019, la part des énergies vertes (éolienne et solaire) dans la production électrique globale de notre pays n’était encore que de 15 TWh. Soit 18% selon les chiffres d’Elia, gestionnaire du réseau. Cependant ces 18% permettraient déjà de faire rouler quelques 4.000.000 de voitures électriques.

Il est donc largement temps d’investir dans ces énergies renouvelables. De nombreux parcs éoliens sont en train de voir le jour ou sont en tout cas en projet dans notre pays. De plus, beaucoup de ménages et entreprises investissent dans le placement de panneaux photovoltaïques et de batteries domestiques. Les tarifs sont d’ailleurs devenus beaucoup plus accessibles ces dernières années. Une batterie domestique permet en effet de stocker l’énergie produite par des panneaux solaires pour l’utiliser lorsqu’elle est nécessaire et que les panneaux sont “inactifs”. Grâce à ces solutions, la production d’énergies renouvelables ne devrait donc faire qu’augmenter au fil des années.


Quid s’il n’y a ni soleil, ni vent?

Il faudra alors utiliser l’électricité “traditionnelle”. A ce niveau, le gouvernement fédéral est en train de chercher des solutions pour réduire notre dépendance aux centrales nucléaires. Rappelons que notre pays s’est engagé à en sortir totalement à l’horizon 2025. La solution ? Un mécanisme de subventions pour la construction de centrales au gaz. Seul bémol, celles-ci affichent un bilan carbone plus élevé que les centrales nucléaires.

Des études tendent toutefois à démontrer que le bilan CO2 global d’un véhicule électrique (dont l’énergie est produite à partir d’une centrale au gaz) reste malgré tout inférieur à celui d’une voiture à moteur thermique. Que celle-ci soit à essence ou diesel. En effet, si on tient compte d’une consommation de 15 à 20 kWh/100 km, une voiture électrique produit de manière indirecte, via les centrales au gaz 15 x 400 gr, soit 6 kg de CO2. La même distance parcourue par un véhicule à moteur thermique consomme en moyenne 13,2 kg, soit plus du double.


Pensez au smart charging

Autre tendance qui devrait se développer : le smart charging, autrement dit la recharge intelligente. De nombreuses applications ou bornes permettent de réguler la recharge des véhicules au moment le plus opportun.

Il est par exemple ainsi possible de programmer automatiquement la recharge de son véhicule au moment où votre installation photovoltaïque produit de l’électricité. Ou encore de répartir la puissance de recharge disponible entre plusieurs véhicules branchés sur le site d’une entreprise. Autre exemple : prévoir la recharge différée de chaque véhicule en fonction de l’heure de départ prévue de chaque collaborateur. Certaines applications sont même capables de tenir compte de données externes. Ainsi de la météo ou de l’isolation de votre bâtiment pour optimiser au mieux la recharge. Et, par la même, vos coûts.

Choisir le moment opportun pour recharger


Réguler l’usage d’électricité

Selon Bart Massin, le temps où l’on craignait un black-out électrique serait donc bien révolu. “Depuis cette époque, pourtant pas si lointaine, beaucoup de choses ont évolué. Les échanges internationaux d’électricité sont plus libres. Sans compter que les grands consommateurs industriels ont davantage étalé leur consommation sur les périodes de la journée où la consommation générale est plus faible.”

L’augmentation constante de nos besoins en électricité ne devrait donc pas être un souci. Le vrai problème serait plutôt, à terme, de gérer les pics de consommation engendrés par la recharge des voitures électriques. L’important est donc d’optimiser notre consommation. Et cela commencera par un changement d’habitudes.

Aujourd’hui, de nombreux conducteurs de voitures électriques ont tendance à mettre leur véhicule en charge à chaque fois qu’il est à l’arrêt. Cela par crainte de se retrouver face à la panne sèche… En plus d’impacter négativement la qualité de la batterie, cette mauvaise habitude surcharge inutilement le réseau électrique.

Heureusement, les voitures électriques qui arriveront sur le marché dans les années à venir annoncent des autonomies toujours plus grandes. Cela diminuera ce stress de la panne et faisant, on l’espère, disparaitre cette mauvaise manie.


Des variations de prix

Réguler sa consommation, c’est d’ailleurs ce que les entreprises et les ménages vont être amenés à faire dans les années à venir. Ainsi, en Flandre, le tarif capacitaire sera d’application dès 2022. Concrètement, il s’agit d’un système tarifaire qui tient compte des pics de consommation sur votre installation électrique. Si vous créez un pic en branchant plusieurs appareils énergivores en même temps pendant au moins 15 minutes consécutives, vous serez sanctionnés par un tarif plus élevé. Bref, il ne faudra pas utiliser et/ou charger, par exemple, votre voiture électrique, votre lave-vaisselle, votre lave-linge ou un appareil de climatisation.

Le but est d’inciter les citoyens à utiliser l’énergie de façon plus responsable et plus intelligente. Mieux encore : leur permettre de réduire leur consommation. Pour l’instant donc, seule la Région flamande est concernée. Mais il y a fort à parier que la Wallonie et Bruxelles suivront rapidement.


La voiture comme batterie

Une autre façon de réduire la consommation d’électricité globale sera d’utiliser votre véhicule électrique comme un fournisseur d’énergie. Un exemple ? Vous chargez votre voiture durant les périodes d’ensoleillement ou de fortes rafales de vent. Ensuite, vous vous servez de sa batterie pour recharger ou utiliser vos appareils électriques durant les périodes de pics d’usage. C’est ce qu’on appelle la technologie VtoG (Vehicle to Grid) ou VtoH (Vehicle to Home). Pour cela, les véhicules doivent être équipés d’un système de recharge bidirectionnel.

Les voitures électriques disponibles aujourd’hui ne permettent pas encore cette solution, mais celle-ci est annoncée en masse sur les prochaines productions de nombreux constructeurs. Kia inaugure, de son côté, la technologie VtoE (Vehicle to everything) ou VtoL (Vehicle to load), qui permet à son nouveau EV6 de charger n’importe quel appareil via un simple câble lorsque la voiture est à l’arrêt.

électricité


Conclusion

Vous l’aurez compris, les solutions ne manquent pas pour compenser la hausse de la demande en électricité engendrée par la croissance des ventes de véhicules 100% électriques. Et dans une société où tout évolue à vitesse grand V, il y a fort à parier que d’autres solutions verront encore le jour dans les années à venir.