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Parmi les freins à l'usage de la voiture électrique, il ya le prix et l'autonomie. Mais aussi la question des bornes de recharge. Démêlons le vrai du faux.

Outre le prix d'achat et l'autonomie, l'autre grande question qui taraude l'automobiliste qui s'intéresse aux véhicules électriques concerne les bornes de recharge. En particulier pour celui qui ne dispose pas d'un équipement individuel. L'occasion de nous poser quelques questions sur un sujet assez complexe.

Il y aurait trop peu de bornes disponibles? En Belgique peut-être mais les choses s’améliorent...


Selon les chiffres de Statbel (office belge des statistiques), 138.749 voitures électriques circulaient sur nos routes au 1er août 2023. C’est 93,6% de plus qu’un an auparavant (71.651 unités) et ce chiffre ne va faire qu’augmenter dans les années à venir puisqu’on estime que 1,3 million de voitures électrifiées circuleront en Belgique en 2030. Et qui dit voiture électrique dit bornes de recharge. Tant le secteur public que privé doivent investir massivement dans l’infrastructure. Mais où en est-on aujourd’hui?

Au 1er août 2023, on estimait à 100.000 le nombre de bornes installées sur l’ensemble du territoire. Toutes ne sont évidemment pas accessibles. Il s’agit surtout de bornes installées soit sur le site des entreprises et réservées aux employés ou aux visiteurs, soit au domicile de particuliers ou de conducteurs fleet. Seules 30.000 bornes seraient actuellement accessibles au public en Belgique. C'est mieux que par le passé mais très loin de la Hollande. Cette dernière caracole en tête des pays européens avec plus de 111.000 bornes publiques ou semi-publiques (pour 17 millions d'habitants), là où l'Allemagne (87.000) et la France (83.000), essayent de combler leur retard. Mais revenons sur la situation en Belgique...

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D’immenses disparités...


Rien n'est fait par les autorités pour multiplier les bornes?

Globalement, c'est faux. Ainsi, pour donner un coup de boost au développement du réseau de bornes, la Flandre a mis en place (depuis 2021) l’obligation d’installer des bornes de recharge en cas de construction ou de rénovation d’un bâtiment. L’obtention d’un permis d’urbanisme pour la construction ou la rénovation d’un bâtiment non résidentiel (entreprise) dépend désormais de l’obligation de disposer d’au moins 2 bornes de recharge si le parking comporte au moins 10 places. En outre, le câblage doit être prévu pour équiper au moins 25% du parking en bornes à l’avenir. En 2025, cette obligation sera même étendue à tous les bâtiments non résidentiels existants.

À Bruxelles, la même obligation existe avec des règles un peu différentes. Si votre parking dessert au moins un bureau d’entreprise, vous devrez disposer à partir du 1erjanvier 2025 d’au moins 10% de places destinées aux voitures électriques sur l’ensemble de votre parking. Et ce avec un minimum de 2 places. Le ratio grimpera à 20% en 2030 et 30% en 2035. Dans le cas de la création d’un nouveau parking, le ratio doit être directement de 30% du nombre total de places dédiées aux véhicules électriques.

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Il existe une grande disparité Nord-Sud?

C'est un constat sans appel. Sur les 30.000 bornes de recharge actuellement accessibles au public en Belgique, une majorité se situe au nord du pays. Le dernier recensement fait état de 25.000 stations en Flandre où un objectif de 35.000 a été fixé à l’horizon 2025. En Wallonie, le nombre oscille aux alentours de 2.000. Mais les autorités veulent rattraper leur retard et ont annoncé un large plan de déploiement qui prévoit de disposer de 6.000 bornes d’ici à 2026.

À Bruxelles, même volonté d'aller de l'avant avec, selon Bruxelles Environnement, plus de 2.500 points accessibles au public actuellement. Selon l'autorité, en 2024, une borne se situera à moins de 150 mètres de chaque ménage bruxellois. Et 22.000 seront disponibles d'ici 2035.


On sanctionne les voitures tampons?

Oui, mais encore très peu... Disposer de bornes de recharge dans les parkings, c’est une chose. Mais encore faut-il que ces places soient disponibles. Il n’est en effet pas rare de voir des voitures entièrement rechargées squatter pendant plusieurs heures un emplacement "VE". Des sanctions commencent à être mises en place et pourraient se généraliser pour éviter ces "voitures tampon". À Anvers par exemple, la ville a opté pour des bornes intelligentes. Celles-ci sont équipées de capteurs qui signalent si le véhicule est en charge ou déjà chargé. Une fois le véhicule entièrement chargé, son propriétaire reçoit un message l’invitant à le déplacer... Sous peine de payer pour l’utilisation abusive de l’espace de chargement.

À Hasselt, les véhicules dont la charge est terminée mais qui occupent toujours l’espace sont sanctionnés d’une amende de 40 euros. À Bruxelles, la ministre de la Mobilité Elke van den Brandt (Groen) veut mettre en place un tarif de rotation. Celui-ci contraindrait les propriétaires à continuer à payer la recharge même lorsque leur véhicule est entièrement chargé. Elle réfléchit également à la possibilité de réintroduire un paiement des espaces de parking pour les véhicules électriques en charge, qui en sont pour l’instant exempts.

Plus généralement, le ministre fédéral de la mobilité Georges Gilkinet (Ecolo) souhaite modifier le Code de la route. Il voudrait imposer ce type de règlement à l’ensemble du pays et éviter les différences entre villes ou régions. Espérons qu'avec le temps, une sorte de civisme poussera les automobilistes concernés à libérer une borne dès leur recharge terminée.

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Interdit de poser des bornes de recharge en sous-sol?

C'est faux. Et contrairement aux voitures équipées au LPG par exemple, les voitures électriques n’ont aucune restriction d’accès aux parkings souterrains. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir des bornes de recharge installées dans ces parkings. "Mais jusqu’il y a quelques années encore, il n’y avait aucun règlement clair pour le placement de ces bornes". C’est ce que dit Bart Massin, fondateur de la société Stroohm, spécialisée notamment dans l’installation de bornes. "Chaque zone de pompiers édictait un peu ses propres règles selon son expérience".

Une association nommée FireForum et composée de fédérations, d’acteurs du secteur – dont l’association EV Belgium - et de pompiers notamment s’est donc penchée sur la question. Et a édité en 2021 un "Code de bonnes pratiques Sécurité Incendie" avec pour thème "Véhicules électriques dans les parkings". En octobre dernier, une nouvelle version du document a été publiée, édictant certaines nouvelles mesures, notamment en ce qui concerne les fastchargers qui prennent aussi désormais place dans certains parkings. "La Région de Bruxelles-Capitale l’a par exemple déjà copié-collé à 80% précise notre interlocuteur. On espère que la Wallonie et la Flandre vont suivre".


Une majorité de bornes "lentes"

Concernant les 30.000 bornes de recharge actuellement accessibles au public en Belgique, 95% d’entre elles délivrent une puissance entre 0 et 22 kW. Ce sont donc des bornes lentes ou semi-rapides. Restent bien sûr les parkings autoroutiers, lieux très prisés pour l’installation de bornes dites rapides (à partir de 50 kW). Et on ne tient pas compte ici de tous les autres opérateurs comme Tesla et ses superchargeurs. Ou encore de nombreuses enseignes pétrolières ou de grandes surfaces comme Delhaize ou Albert Heijn qui s'équipent chaque jour un peu plus. Sauf que là, nous sommes dans un domaine précis: la recharge rapide, la plus onéreuse quand on ne dispose pas d'un abonnement.


Parking couvert, risques d’incendie accrus?

C'est faux. Selon une récente étude menée en Suède - où l’électrification est déjà bien avancée - sur les incendies de véhicules recensés entre 2018 et fin 2022, 3.400 voitures thermiques ont pris feu. Sur un total de 4,4 millions de véhicules en circulation. Si on s’intéresse aux voitures 100% électriques, le chiffre atteint 371 incendies sur la même période alors qu'aujourd'hui, près de 6 voitures sur 10 achetées en Suède sont soit 100% électriques ou dotées d'une batterie (hybride et plug-in).

Une autre étude menée aux États-Unis en 2020 confirme cette tendance, mais requalifie les chiffres en pourcentage. Ainsi, pour 100.000 voitures parties en fumée cette année-là, 3.474 étaient hybrides, 1.529 fonctionnaient à l’essence et seulement 25 étaient entièrement électriques. Et ce chiffre devrait encore diminuer dans les années à venir. En effet, les constructeurs travaillent actuellement sur de nouvelles batteries appelées "solid-state battery", autrement dit une batterie à électrolyte solide.

Cela étant, lorsque c’est malheureusement le cas, il est plus compliqué d’éteindre un incendie sur un VE en raison de la température élevée de la batterie. C’est pour cette raison qu’on prend la précaution de placer les véhicules électriques en feu dans des conteneurs remplis d’eau. De cette façon, il n’y a aucun risque de reprise de l’incendie.

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En cas d’incendie, il faut tenir compte de la spécificité des véhicules électriques


Conclusion

Autant l'autonomie et le prix des véhicules (100%) électriques peuvent encore soulever de grosses discussions, autant la question de la recharge pose et posera de moins en moins de souci dans les années à venir. Il faudra certes encore longtemps pour que les particuliers qui habitent des immeubles anciens accèdent aisément à des solutions de recharge.

Mais, à l'image de ce que nous déclarait Damien Sury, expert en mobilité durable chez Bruxelles Environnement: "Nous voulons augmenter le nombre de points de recharge… Pour autant, le moins possible en voirie". Comme les autres Régions, Bruxelles veut en effet limiter le parking en surface, fût-il destiné aux VE. Tout cela engendrera forcément un coût que l'automobiliste devra, in fine, assumer, en plus du prix de son plein d'électricité.

À ce propos, rappelons notre coup de gueule de toujours concernant la tarification (non) affichée dans l'espace public. Pas ou si peu de tarifs aux bornes et jamais de montant final. Vous connaîtrez le prix payé en recevant un mail ou une notification sur votre appli! À quand un système équivalent à une pompe à carburant classique?