En octobre 2020, nous avons eu l’occasion unique de participer au Giro-E. Cette course par étapes dérivée du célèbre Tour d’Italie cycliste est réservée aux vélos de course électriques. Mettez-vous dans notre roue pour vivre cette aventure exceptionnelle.
Nous ne nous souviendrons pas de l’été 2020 comme d’une belle saison gâchée par le coronavirus, mais comme d’une période positive, marquée par des moments mémorables. Comme ce coup de téléphone reçu de l’Office national italien du tourisme (ENIT). "Cela vous dirait de participer à quelques étapes du Giro-E, dans le courant du mois d’octobre 2020 ?", nous proposait-on au bout du fil.
Honnêtement, nous n’avions encore jamais entendu parler de ce Giro-E. Google nous a vite appris qu’il s’agit d’une variante du célèbre Tour d’Italie cycliste, la course par étapes où s’illustrent des dieux de la petite reine comme Peter Sagan, Vincenzo Nibali et Remco Evenepoel. Les étapes sont simplement raccourcies à +/- 100 km à parcourir sur un vélo électrique.
Au vu des reportages consacrés aux éditions précédentes, nul besoin d’avoir un corps bien entraîné pour tenir sa place dans le peloton. Parmi les participants, nous avons même remarqué quelques cheveux grisonnants sous les casques et quelques "bedaines" moulant les maillots. Le film promotionnel officiel a fini de nous convaincre: nous serions sur la ligne de départ! Nous voilà donc partis à la mi-octobre pour l’Italie.
L’équipe ENIT dans le Giro-E
À l’aéroport, nous faisons connaissance avec les autres membres de l’équipe ENIT. Un Espagnol de Barcelone, un Allemand de la Forêt noire, une Française des Pyrénées et un Italien de Toscane. Aucun d’eux n’a ni gambettes rasées ni mollets en béton. Mais ils ont tous un atout en commun: leur "biotope cycliste" abrite monts et montagnes, alors que, de notre côté, nous ne pouvons que "mouliner" des kilomètres en plaine, dans le plat pays qui est le nôtre. Je pars donc avec un certain "handicap".
Nous reprenons confiance en découvrant le matériel mis à notre disposition: le bleu racé des vélos de course électriques "baby" de la marque De Rosa nous donne déjà des ailes, même si nous ne comprenons que la moitié des instructions qu’on nous donne en italien. Le règlement du Giro-E n’est écrit lui aussi que dans la langue de Dante, ce qui ne nous facilite pas la tâche.

Mais nous comprenons au moins l’essentiel: l’objectif n’est pas de passer la ligne d’arrivée en premier. Le Giro-E se présente comme une véritable compétition d’équipes sous la forme d’un critérium de régularité. En clair, l’équipe doit rester bien regroupée sur les tronçons où il faut chercher à atteindre une certaine vitesse moyenne.
Exemple concret: entre les kilomètres 32 et 39, le groupe doit tenir une moyenne de 24,8 km/h. Des transpondeurs placés dans notre sac à dos enregistrent la proximité des équipiers, mais aussi leur vitesse. L’équipe qui se rapproche le plus de la vitesse imposée sur les tronçons, et reste groupée, gagne l’étape. Un "détail" complique cependant la performance: les tronçons en question sont tous des kilomètres d’ascension. On s’en est vite rendu compte le lendemain.
Une course cycliste comme chez les pros
Le top départ est donné le 13 octobre. Notre première étape de plus de 100 km de ce Giro-E nous emmène de Francavilla al Mare à Tortoreto, une station balnéaire populaire sur la côte Adriatique. Sur le papier, le parcours semble plat, à l’exception de vicieux petits raidillons au kilomètre 32 et juste avant la fin. Des cols de quatrième catégorie, dit-on dans le jargon. Mais, avant de monter en selle, place à la présentation de l’équipe. Ce rituel se répétera lors de chaque étape.
N’imaginez pas une foule en liesse. Il faut attendre son tour, pendant que les autres équipes et participants sur le podium agitent la main devant un public… absent, coronavirus oblige. Une fois sur le podium, notre capitaine prend la parole. Massimiliano Lelli est un ancien coureur professionnel qui a participé entre 1990 et 2004 à des courses par étapes telles que le Giro, le Tour de France et la Vuelta. Et s’il a pris de l’âge, il en a gardé sous la pédale sur le plan de la condition et de la soif de compétition.
Succès d’estime pour le Giro-E
Les rares spectateurs au départ du Giro-E me posent des questions dans leur italien le plus basique. Ils s’intéressent à nos vélos et à l’organisation. Avec toujours cette interrogation à propos de la grosseur du tube où se loge la batterie. "Ah, electrica" réagissent-ils, en ponctuant leur étonnement d’un petit sourire dédaigneux.
Le véritable départ du Giro-E est donné par un coup de sifflet. Quelques voitures de police et motos ouvrent la voie, la voiture du directeur de la course s’y engage et nous suivons derrière. L’étape commence par un agréable petit tour à travers la ville. Nous ne résistons pas au plaisir d’opiner du chef lorsque les spectateurs nous applaudissent.

Maintenant que nous sommes sur les routes côtières, la vitesse dépasse déjà allègrement les 30 km/h. Le moteur a arrêté de booster notre coup de pédale. Dans le Giro-E, comme ailleurs, il ne procure une assistance que jusqu’à 25 km/h. Au-delà, le moteur devient un handicap, vu le poids qui alourdit la monture. Heureusement, c’est la première fois que nous ressentons une sorte d’effet de peloton: nous sommes comme aspirés par la multitude de cyclistes et roulons à des vitesses que nous n’aurions jamais atteintes en solo. C’est grisant!
Premier col: et déjà du costaud!
Nous quittons le littoral pour pénétrer dans les terres vallonnées. Sans rampe de lancement! Nous nous attaquons d’emblée à un méchant petit raidillon. Notre capitaine Max s’époumone déjà. Je ne comprends pas un mot de ce qu’il me dit, mais son langage corporel est explicite: "Place-toi bien dans ma roue et n’en décroche pas".

Deux membres de notre équipe ont déjà lâché prise: le Barcelonais Francesco en raison d’ennuis techniques et la Française Christine dont l’assistance électrique semble déréglée. La voiture suiveuse dans la caravane la prend en chemin: elle expliquera plus tard qu’elle n’avait jamais utilisé de vélo électrique. Et comme son italien est aussi pauvre que le mien, elle ne comprenait pas un traître mot des explications sur les boutons qu’elle devait utiliser.
De notre côté, nous avions profité du terrain plat pour expérimenter l’assistance au pédalage et avions compris que le bouton de gauche ajoute une aide supplémentaire jusqu’à la position 5. Quant au bouton droit, il réduit l’assistance à 0. Christine a donc dû pousser continuellement sur le bouton droit, ce qui ne lui a été d’aucun secours dès la première ascension. Elle aura compris la leçon pour la prochaine étape du Giro-E.
25 km/h en pleine ascension
Nous tirons la langue en direction du sommet, en mettant notre respiration au diapason de nos coups de pédale. Ce n’est pourtant qu’un petit col de quatrième catégorie, le dernier des cols classés. Comme nous sommes dans une zone où notre vitesse est enregistrée, nous redoublons d’efforts. Objectif: tenir à 25 km/h de moyenne sur un tronçon de 8 km. En pente raide! Même avec un moteur électrique, cela n’a rien d’une promenade de santé. Du moins, pour nous. Pour notre capitaine, Max, c’est du gâteau. Mais sa mine se renfrogne lorsqu’il voit que toute l’équipe ne suit pas.
Au kilomètre 32 et à 318 m d’altitude à peine, nous arrivons au sommet où une récompense nous attend: une vue splendide sur la vallée et la côte en arrière-plan. Le soleil embellit le tableau de sa belle lumière matinale. Mais, au Giro-E, on n’est pas là pour admirer le paysage.
Descendre à toute vitesse
Une descente raide nous permet de souffler un peu. C’est là que notre expérience de motard vient bien à point. Nous pouvons utiliser toute la route et prendre les virages larges pour nous rabattre ensuite vers l’intérieur et repartir vers l’extérieur. Nous remontons ainsi une grande partie du peloton pour nous retrouver derrière la voiture de course.
Nous rejoignons à nouveau les routes côtières plates, le temps de nous relaxer les jambes et d’attendre les autres à un rythme tranquille. Une fois regroupés, nous passons à la vitesse supérieure: 30, 35, 40 km/h… comme c’est agréable d’être pour ainsi dire porté par le peloton à des vitesses que nous n’atteignons jamais (ou très peu de temps) en solitaire.
Batterie plate
Le tempo de notre rythme cardiaque et de notre respiration est lui aussi monté en altitude. Mais nous nous sentons bien, capables de tenir un bon bout de temps. Pour autant que nous n’oubliions pas de boire et de manger. Nous nous sustentons de boissons énergisantes, de power bars… Et à propos de puissance. Notre batterie! Elle s’est vidée durant l’ascension du deuxième col. Il n’était même pas classé, mais il était assez méchant pour faire mal à nos mollets et cuisses et pousser la batterie dans ses derniers retranchements.
Revenus sur du terrain plat, nous levons la main pour demander l’assistance de la voiture suiveuse. Nous devons nous laisser glisser jusqu’en queue de peloton pour l’apercevoir. Nous descendons de vélo quelques secondes, le temps de changer de batterie et de gourde. Quelques secondes semblent un arrêt très court, mais il n’en faut pas plus au peloton, qui file à 45 km/h pour nous distancer largement.
À la poursuite du peloton
Nous devons le rattraper rapidos pour ne pas être largués définitivement. La voiture suiveuse nous encourage à coups de klaxon pendant qu’un scooter de l’organisation roule à nos côtés. Son pilote plante sa puissante main sur notre dos et commence à donner des gaz. Notre compteur kilométrique s’affole: 50, 55, 60… 70 à l’heure! Nous agrippons notre guidon de toutes nos forces pendant que les autres voitures suiveuses nous dépassent sur une route asphaltée qui n’a rien d’un tapis de billard. Tûût, tûût, un train à vapeur se fait entendre non loin.
La queue du peloton est en vue. Le pilote du scooter nous gratifie d’une dernière poussette. Nous dépassons les derniers et, sur notre lancée, tentons de conserver un rythme soutenu jusqu’à ce que nous nous retrouvions au milieu des équipes. Nous racontons notre parcours de forçat de la route à notre équipier Francesco qui comprend qu’il est voué à vivre la même (més)aventure: sa batterie est elle aussi arrivée au bout de ses forces.
En vue de l’arrivée du Giro-E
Avant le finish de la course nous attend un autre col de quatrième catégorie, heureusement sans enregistrement du temps. Entre-temps, nous avons commencé à bien comprendre le fonctionnement du moteur électrique et l’ascension nous demande moins d’efforts. Entendez: nous les dosons mieux, ce qui nous permet de garder sous contrôle notre rythme cardiaque et notre respiration. Nous n’en décrochons pas moins du peloton, mais au moins nos jambes pourront bientôt se reposer un petit moment.
Mon œil! Cette fois, après la descente, ce sont encore plusieurs kilomètres en terrain plat qui sont parcourus à vive allure. Nous voyons le groupe principal s’éloigner de nous. Le rejoindre s’avère plus difficile que nous l’avions imaginé. Nous donnons tout ce qui nous reste comme force dans les cuisses et les mollets. Mais les crampes nous guettent. Finalement, nous franchissons seuls la ligne d’arrivée, à très bonne distance du peloton. Nous ne manquons cependant pas de lever nos bras au ciel. Pour nous, avoir réussi à terminer la course est déjà une victoire en soi.
Le coronavirus met des bâtons dans les roues
Les deux jours suivants, un scénario similaire se répètera. Une aventure éprouvante par moments, exaltante dans d’autres. Parce que le coronavirus met également des bâtons dans les roues du Giro-E. Tout comme les coureurs professionnels, tous les participants et les accompagnateurs au Giro-E sont testés tous les trois jours. Et dans l’équipe des agents de police qui encadre notre événement, le coronavirus sera détecté. Conséquence: l’ensemble des forces de l’ordre sera renvoyé dans ses foyers. Le Giro-E se poursuivra donc sans accompagnement policier.
Les jours suivants, nous suivons le parcours du Giro (le vrai), mais sans accompagnement. Nous continuons la course par étapes en équipe, sans cette fois subir la pression d’un peloton fonçant à toute allure. L’adrénaline diminue d’un cran. Et nous en profitons pour mieux admirer la beauté des paysages de ce grand pays du vélo qu’est l’Italie.
C’est donc en mode mineur que se termine notre aventure Giro-E. Mais nous en conservons des souvenirs fabuleux. L’édition 2021 du Giro-E a lieu du 8 au 30 mai, mais ce sera sans nous cette fois. Si tout se passe bien, Remco Evenepoel prendra cependant le départ du véritable Giro. De grandes émotions en perspective également. En attendant, coup de chapeau aux cyclistes professionnels qui avalent des kilomètres d’ascension sans l’aide d’un moteur électrique. Notre respect pour eux en est sorti grandi. À nos yeux, des héros pour toujours.
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