La mobilité, un droit fondamental, selon Touring

Dans la perspective des élections du 26 mai, Touring tire la sonnette d'alarme. Qu'en est-il de notre mobilité et comment accélérer le mouvement à cet égard? Danny Smagghe commente les recommandations de Touring.

Touring, club de mobilité, prône une mobilité durable et a des idées claires sur le sujet. Mais dans un pays aussi complexe que la Belgique, il n’est pas facile de les faire accepter et encore moins de les concrétiser. Danny Smagghe, porte-parole de Touring, résume la problématique.

Danny Smagghe: "Les problèmes de mobilité ont une influence croissante sur notre cadre de vie et notre développement socio-économique. Selon l'OCDE, les heures perdues dans les embouteillages belges représentent un coût annuel de 1 à 2 % du PIB pour la société."

Selon Transport & Mobility Leuven (TML), qui réalise des études en appui aux décisions politiques, le coût d’une heure perdue dans les embouteillages s’élève actuellement à 8,25 euros pour les voitures particulières et à 50 à 80 euros pour le transport de fret. TML table ainsi, pour l’année prochaine, sur un coût annuel en matière de mobilité de 6 milliards d’euros. Que peuvent faire les décideurs politiques à ce sujet?

Danny Smagghe: "Nous nous adressons à toutes les parties et préconisons une meilleure coopération entre les Régions. La mobilité est un enjeu fédéral. Mieux: elle dépasse les frontières nationales. La mobilité nécessite une approche européenne, pour harmoniser autant que possible la législation des différents États-membres. En ce qui nous concerne, le débat doit donc au moins avoir lieu au niveau national. Peut-être devrions-nous créer un comité fédéral sur la mobilité par analogie avec la sécurité routière?"

Concrètement, sur quels aspects un tel comité devrait-il se pencher?

Danny Smagghe: "Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour accroître l'accessibilité à la multimodalité. Un cadre juridique solide est donc indispensable et devrait ouvrir la voie au développement de nouveaux services de mobilité dans un marché ouvert. Il faudra aussi prendre en compte une éventuelle instauration d'une taxe kilométrique intelligente pour le transport privé, également au niveau national. Celle-ci devrait encourager la mobilité douce et mettre davantage l’accent sur l'éducation et la formation à la multimodalité. Enfin, on pourrait sensibiliser les futurs usagers de la route à la sécurité routière, mais aussi à la mobilité alternative et aux questions connexes telles que la sécurité et l'écologie avant même l'examen de conduite. Cette sensibilisation devrait commencer à l'école, car les élèves d'aujourd'hui sont les usagers de demain."

En matière de mobilité douce, quelles sont les actions proposées par Touring?

Danny Smagghe: "L'un des principaux défis du siècle est de réduire les émissions polluantes de CO2 et de NOx. Selon nous, cela peut se faire de différentes façons. Par exemple, en accordant des incitants fiscaux aux voitures (partagées) respectueuses de l'environnement et en encourageant les déplacements à pied, à vélo, à moto ou en transports publics. L'infrastructure routière doit également être revue, car la fluidité du trafic est essentielle à la réduction des émissions par kilomètre parcouru. J'ai déjà mentionné la taxe kilométrique intelligente, mais le covoiturage pourrait aussi être encouragé sur le plan fiscal."

Outre les incitants fiscaux, il y a aussi la question de la fiscalité auto. Comment agir à ce niveau?

Danny Smagghe: "Soyons clairs: il faut parallèlement déplacer, et non relever, la fiscalité (automobile). C'est pourquoi Touring est favorable à une réforme complète de la fiscalité automobile, où ce n’est plus l'achat ou la détention d'un véhicule, mais son utilisation qui serait taxée. L'instauration d'un budget mobilité est une étape décisive, mais elle n'est pas suffisante. Touring plaide pour l’instauration d’une taxe kilométrique intelligente. Ce système doit vraiment être directif pour réduire la congestion et alléger l’empreinte écologique. Il devrait être conjugué à d'autres mesures de mobilité, telles qu'une réduction des impôts directs pour les utilisateurs de la mobilité partagée (par exemple, réduction du taux de TVA à 6 % pour tous les services de mobilité partagée tels que voitures partagées) ou la déductibilité totale pour les entreprises qui proposent la multimodalité à leurs employés."

Et comment cette taxe kilométrique pourrait-elle être calculée?

Danny Smagghe: "Une taxe kilométrique intelligente est calculée en fonction du nombre de kilomètres parcourus, du type de voie empruntée ou de l’heure de circulation. Mais là encore, le même tarif ne peut pas s'appliquer à tout le monde et il convient de faire une distinction avec les personnes tenues de parcourir de longues distances ou obligées de circuler à certaines heures pour des raisons professionnelles, ou les usagers qui ont peu d'alternatives (transports publics) à leur disposition."

Beaucoup d'encre a déjà coulé au sujet du projet MaaS - Mobility as a Service. Que peut ou doit faire le gouvernement pour faire de ce concept un succès?

Danny Smagghe: "Les pouvoirs publics peuvent aussi soutenir le développement d'applis qui aident les usagers à planifier leurs déplacements, à les "réserver" et à les effectuer avec les modes de transport les plus préférables. Les nombreuses start-up qui développent ces applis accueilleront certainement à bras ouverts tout appui (financier). Touring montre l’exemple dans ce domaine en développant et en mettant en œuvre le concept MaaS (mobility as a service), un excellent outil pour les déplacements urbains. Les usagers devraient disposer d’un accès facile et rapide aux différentes alternatives de transport. Le législateur doit ici veiller à ce que les données soient mises à disposition et puissent être partagées. Cette démarche appelle une plus grande coopération dans le domaine numérique, avec tous les opérateurs de transport et aussi entre les différents niveaux politiques."

La coopération entre les acteurs de la mobilité ne devrait-elle pas être obligatoire?

Danny Smagghe: "Touring préconise en effet de contraindre les entreprises de transport public et les opérateurs privés de mobilité à ouvrir leurs systèmes (données de voyage ET de billetterie) aux plateformes de mobilité qui, comme Touring, veulent proposer une solution de transport multimodale intégrée. L'accès aux systèmes de billetterie et aux informations relatives au transport doit se faire sur la base d'un prix de revient équitable et justifié, tenant compte d'une marge raisonnable pour les plateformes MaaS offrant ce service. La coopération entre les différents opérateurs (mobilité partagée et sociétés de transport public) est essentielle pendant les heures creuses et en dehors des villes, où des solutions de mobilité partagée flexibles et partagées sont parfois un complément plus efficace, économique et écologique au réseau de transport public."

La mobilité, un droit fondamental

En résumé, Touring est convaincue que la mobilité est un droit fondamental de chaque citoyen. Le point de départ de nos actions? La libre circulation des personnes, de la manière et avec les moyens de leur choix, ou une conjonction de ces moyens dans un système de multi/comodalité. Bref, en notre qualité de club de mobilité, nous représentons chaque usager de la route et considérons qu'il est de notre devoir de proposer des mesures dans les domaines de la sécurité routière, de la mobilité, de la qualité de vie, de la fiscalité et du changement de comportement.

En bref: les 6 piliers de la mobilité durable

1. Soutenir et encourager la mobilité douce

2. Un plan Marshall pour les transports et les infrastructures de transport assorti d’incitants fiscaux

3. La mobilité en tant que compétence fédérale

4. Plus d’ambition et d’uniformisation à l’échelon européen

5. Une plus grande coopération numérique entre les acteurs de la mobilité

6. Un regain d'attention en matière de formation à la multimodalité