Vrai ou faux: on ne voyage pas loin en voiture électrique?

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Vrai ou faux: on ne voyage pas loin en voiture électrique?


Vous voulez voyager loin en véhicules électriques ? Alors mieux vaut comprendre les facteurs qui influencent l'autonomie et la recharge.

Outre le prix des véhicules électriques, l'autre question qui taraude les automobilistes c'est bien l’autonomie. Peur de la panne sèche ou encore, comment faire pour recharger. Et quand ces questions sont posées dans le contexte des vacances ou d'un long déplacement, il y a de quoi s'arracher les cheveux... ou pas! Touring démêle le vrai du faux

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Voyager loin en VE ? C’est possible mais ça demande un minimum d’organisation !


Une batterie de 100 kWh, l'idéal pour voyager loin?

Non, ce n'est pas une nécessité! La capacité d'une batterie de voiture électrique s'exprime en "kilowatt-heure". Il s'agit d'une unité d'énergie correspondant à celle produite ou consommée par un dispositif de 1 000 watts (1 kW) de puissance pendant une durée d'une heure. Les batteries actuellement sur le marché vont, globalement, de (+/-) 20 kWh pour les citadines à plus d'une centaine pour les grosses berlines ou les SUV. Il est donc évident que si vous disposez d'une "grosse" batterie, vous gagnerez en autonomie. Donc en nombre de kilomètres parcourus.

Mais il existe tellement d'autres facteurs qui influencent cette autonomie théorique que cette seule valeur ne signifie pas grand-chose. Outre votre style de conduite, les types de routes empruntées, la charge embarquée ou certains éléments techniques seront tout aussi déterminants.

Lors de nos essais, nous voyons souvent des voitures proposant une batterie de 60 kWh être plus efficaces, en termes d'autonomie, que des gros SUV avec une "énorme" batterie. N'oubliez pas qu'une batterie de grande capacité pèse lourd (entre 600 et 700 kg!) et que le poids influence directement la consommation, et par conséquent l'autonomie. Donc, non, la taille de la batterie n'est pas une fin en soi.

Plus la batterie dispose d’une grande capacité, plus elle est lourde et plus elle fera consommer... cqfd !


Un SUV électrique, perdant à tous les coups?

Oui, c'est une réalité, en tout cas face à une berline équivalente en taille/habitabilité. Outre le poids évoqué ci-dessus, le principal facteur de consommation (et donc in fine d'autonomie) c'est bien le profil du véhicule.

Prenons par exemple la récente (grosse) berline familiale ID.7. Elle partage son architecture avec celle de l’ID.Buzz. Et bien, avec une même batterie (77 kWh), nous avons noté des consommations moyennes bien différentes! Pour l'I.D7, à l’aérodynamisme optimisé (Cx de 0,23), nous avons enregistré une consommation de +/- 19 kWh sur un parcours principalement autoroutier et lorsqu'il faisait 5 degrés dehors. Résultat, 350-400 km d'autonomie sans forcer.

Dans des conditions similaires, nous avions noté aux alentours de 30 kWh avec l'I.D Buzz et sa grande carcasse. Résultat, entre 250 et 300 km maximum! Alors, c'est vrai, l'habitabilité n'est pas la même, les prestations de "navette" non plus. Mais si c'est l'autonomie qui vous intéresse au premier plan, vous savez qu'il vaut mieux opter pour une berline. La même démonstration peut être réalisée avec des SUV. Comme la famille EQE ou EQS de chez Mercedes où les berlines sont parmi les plus performantes de ce point de vue, toutes catégories confondues. Ici aussi, quand il s'agit de voyager loin en consommant (relativement) peu, la berline l'emporte largement sur le SUV.


Le type de chargeur embarqué est déterminant

C'est vrai . Et c'est même essentiel concernant le temps nécessaire à une recharge. Deux types de courant peuvent être utilisés et cela va grandement influencer le temps d'une recharge. Soit du courant alternatif AC (comme celui qui alimente votre habitation). Soit du courant continu DC que vous retrouverez aux bornes dites "rapides et ultra-rapides". Le courant alternatif (fourni par des bornes jusqu'à 22 kW) doit être converti en courant continu pour pouvoir être utilisé par la batterie. La voiture dispose donc d'un chargeur embarqué (On Board Charger) qui convertit le courant alternatif en courant continu.

La vitesse de rechargement va donc dépendre de la puissance acceptée par le chargeur embarqué, soit entre 3,7 kW et 22 kW suivant les modèles. En général, on retrouve des chargeurs de 7 kW ou 11 kW. Rares sont les voitures disposant d'un chargeur de 22 kW (plus coûteux).

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De la prise simple au super chargeur, du chargeur embarqué de 7 à 22 kW. Beaucoup d’éléments entrent en ligne de compte.


De la théorie à la pratique...

Rappelons ainsi que si la borne fournit du 22 kW, mais que vous n'avez qu'un chargeur de 7 kW, ce sera sa charge maximale. Et donc, par exemple, pour une batterie de 55 kWh, il vous faudra plus ou moins 8 heures pour recharger. C'est pourquoi, lorsque l'on est pressé, on passera par la borne dite "rapide ou ultra-rapide". Celle-ci fournira du courant continu pour des puissances de charge allant de 50 à... 350 kW!

Et, à l'avenir, on atteindra sans doute des valeurs encore plus élevées, de l'ordre de 500 à 600 kW. Mais nous n'en sommes pas là. Déjà, si la borne rapide DC vous "offre" 150 kW, vous pourriez, théoriquement, charger une batterie de 100 kW en 45 minutes. Mais, ici aussi, cela dépend du chargeur (DC) embarqué, car c'est lui qui va déterminer la valeur de recharge.

Une voiture "moyen de gamme" électrique embarque un chargeur DC de +/- 130 kW. Mais des voitures plus haut de gamme "montent" bien au-delà. Par exemple, une Porsche Taycan profite d'un chargeur DC de 320 kW. On parle bien d'une puissance maximale. Qui n'est, dans les faits, quasi jamais atteinte à cause des conditions de charge (température ambiante et de la batterie, état du réseau, etc.).


On charge plus rapidement avec du 800 Volts?

Absolument. Et le futur des véhicules électriques se conjuguera sans doute ainsi. Car si la majorité des VE actuels fonctionnent encore avec une batterie sous 400 Volts, de plus en plus nombreux sont les constructeurs qui misent sur le 800 Volts. Avec un intérêt certain concernant la vitesse de recharge... mais pas que!

Pour mieux comprendre ce phénomène, il faut évoquer une autre notion d'électricité: la tension (exprimée en Volts). Plus l’intensité du courant (exprimée en ampères) est élevée, plus le câble doit être épais. Sinon cela va entrainer sa surchauffe avec une perte d’énergie et un risque d’incendie. Pour éviter d’utiliser des fils conducteurs extrêmement larges, coûteux et peu pratiques, la parade consiste à augmenter la tension (V). Car, à puissance égale, une tension élevée permet de réduire l’ampérage. Et puisqu’une batterie en 800V peut être rechargée à de très hautes puissances, le constructeur peut produire des batteries plus petites qui seront rechargées plus rapidement.

Des batteries plus efficientes et moins lourdes qui permettront de gagner aussi en autonomie. Et c'est ainsi que de plus en plus de voitures (plutôt haut de gamme il est vrai) acceptent du 800 Volts. Contre 400 pour les autres véhicules électriques. Un groupe automobile est depuis longtemps engagé sur cette voie: Hyundai/Kia. Ceci dit, pour que cela fonctionne il faut que la borne (rapide) soit également capable de fournir ce type de voltage... Ce qui n'est pas toujours le cas.

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La Ioniq 5 de Hyundai peut être alimentée sous 800 Volts.


Recharger jusqu'à 80% fait gagner du temps?

Pour préserver sa durée de vie de la batterie, limitez autant que possible la recharge à 80% de la capacité. Cette limite vaut surtout pour les batteries NMC ou NCA (nickel-manganèse-cobalt et nickel-cobalt-aluminium). Alors que celles dites "LFP" (lithium-fer-phosphate) n'ont aucun problème à être rechargée à 100%.

Revers de la médaille, les LFP n'apprécient pas le froid (et perdent jusqu'à 30% de leur capacité en hiver) ni les chaleurs extrêmes. En outre, elles ont une moins bonne densité énergétique (moins de kWh au kg) que leur équivalent NMC mais ces dernières sont plus chères à produire.

Bref, chaque technologie a ses avantages et ses inconvénients. Cela dit, quelle que soit la batterie, mieux vaut recharger jusqu'à 80% de sa capacité. Même lorsqu'il s'agit d'aborder un long trajet. En effet, les 20 derniers pour cent à charger vont prendre énormément de temps (voir nos conseils)


Partir en caravane en VE

Il existe de plus en plus de véhicules électriques capables de tracter une remorque ou une caravane, mais cela reste un réel problème quand il s'agit d'envisager un long périple. Le constat de notre club frère néerlandais ANWB est sans appel: "En l'état actuel de la technologie, l'autonomie d'un véhicule électrique diminue de moitié si l'on y accroche une caravane ou une remorque pliante!". Le conseil de l’ANWB: respectez des étapes correspondant à la moitié de votre autonomie sans attelage

Reste alors le problème du parking. Dans les stations de recharge où l'on se gare dans le sens de la longueur (comme dans une station-service traditionnelle), il n'est pas nécessaire de débrancher la caravane. C'est notamment le cas chez FastNed. À l'inverse, des chargeurs du réseau Ionity ou Tesla proposent le plus souvent des emplacements individuels qui nécessiteront le décrochage de l'attelage! Bref, au moment de planifier votre voyage, pensez à vérifier les aires de recharge à l'aide de Google Streetview.

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Pas toujours simple de conjuguer caravane et VE ! (Photographer: georgeclerk)


Pas (encore) assez de bornes de recharge en Europe!

Un rapport récent de l'ACEA (Association européenne des Constructeurs Automobiles) souligne un écart préoccupant entre les ventes de véhicules électriques et l'installation de points de recharge dans l’UE. Entre 2017 et 2023, les ventes de VE ont augmenté trois fois plus vite que l'installation de points de recharge. Selon l'organisation, d'ici 2030, l'UE aura besoin de huit fois plus de points de recharge par an pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions de CO2!

Sigrid de Vries, directrice générale de l'ACEA, souligne que l'accès facile aux points de recharge est essentiel pour décarboner le transport routier. Elle appelle à une augmentation urgente des investissements dans l'infrastructure de recharge publique pour combler l'écart et atteindre ainsi les objectifs climatiques.


Conclusion

Vous l'aurez compris, les facteurs techniques jouent un rôle essentiel pour qui compte parcourir de nombreux kilomètres sans (trop) s'arrêter. Le premier c'est évidemment la taille de la batterie. Le second c'est d'opter pour une berline plutôt qu'un SUV. Une batterie d'au moins 55-60 kWh, un chargeur AC de 11 kW et au moins 75 kW en DC, voilà un bon compromis coûts/efficacité.

Et puis, si la voiture n'en est pas équipée en série, optez pour une pompe à chaleur. Cette dernière va permettre de réguler le chauffage (et la climatisation) tout en préservant la capacité de la batterie. Cela dit, bien plus que la technologie, le principal facteur qui augmentera l'autonomie, c'est votre manière de conduire!