Lydia Peeters est la ministre de la Mobilité et des Travaux publics du gouvernement flamand. Elle explique sa vision de la mobilité.
Commençons par un sujet d'actualité, les zones de basses émissions (LEZ). On les accuse d'être antisociales. Que répondez-vous?
Lydia Peeters: À la base, une LEZ est une bonne idée. Le but est en effet d'améliorer la qualité de l'air. Mais à Anvers et à Gand, la mise en œuvre des LEZ a provoqué pas mal de remous. On aurait dû prendre un peu plus de temps. Que vont faire les propriétaires d'une voiture relativement ancienne, qui avaient l'intention de la garder pour le reste de leurs jours? Il ne faut pas entraver la mobilité des gens. Même De Lijn a subi des critiques à cause de ses bus dépassés, alors que le transport public est plus durable que dix voitures particulières propres. J'ai lu aussi que certaines voitures diesel récentes polluaient en réalité plus que les vieux véhicules équipés d'un filtre à particules. La qualité de l'air s'est-elle améliorée à Anvers et à Gand depuis l'instauration des LEZ? À cause des LEZ? Ce n'est pas sûr. Les LEZ sont de plus en plus critiquées, au point qu'on semble en revenir.
Autre préoccupation de nos membres, la taxe kilométrique. L'an dernier, Stef Proost, économiste des transports à la KU Leuven, plaidait encore dans ces colonnes pour une taxe kilométrique intelligente afin de promouvoir la mobilité en Flandre. Mais l'accord de gouvernement n'en parle pas.
Lydia Peeters: Le précédent gouvernement flamand avait commandé une étude sur l'introduction d'une taxe kilométrique. La présentation des résultats provisoires au début de 2019 a suscité un vif débat. L'Open Vld a toujours dit qu'une taxe kilométrique était possible seulement de manière différenciée, et à condition que cela ne revienne pas à une augmentation d'impôt. De plus, et c'est tout de même important, il faut que les gens habitant hors des villes disposent d'une bonne alternative à la voiture. Nous ne voulons pas créer des défavorisés du transport.
Ces conditions n'étant pas remplies, le précédent ministre [Ben Weyts, n.d.l.r.] a décidé de renoncer à la taxe kilométrique. Il n'en est pas davantage question dans l'accord gouvernemental flamand actuel. Je comprends le professeur Proost. Il croit dans la formule de la taxe kilométrique. En théorie, c'est un bon moyen pour influencer le comportement des gens en matière de déplacements. Mais sous sa forme actuelle, la taxe kilométrique n'est pas de nature à résoudre le problème des embouteillages.
D'après les mesures de l'Agentschap Wegen en Verkeer (AWV), 86,2 % des autoroutes flamandes se trouveraient dans un état "suffisant" à "très bon". Pour les artères régionales, le chiffre tombe à 69,5 %. Que souhaitez-vous faire à cet égard?
Lydia Peeters: Nous savons que notre infrastructure a vieilli et que des investissements s'imposent d'urgence. Durant cette législature, nous prévoyons de dégager 650 millions d'euros en plus. Mais nous ne pouvons pas tout faire en même temps. C'est pour cette raison que l'accord gouvernemental flamand comporte une liste de "projets d'investissement prioritaires" et de travaux urgents. Nos priorités vont également au 314 "points noirs" de Flandre, une liste dynamique d'endroits dangereux où se produisent fréquemment des accidents de la circulation.
Il y a très longtemps que Touring demande une solution pour les "chaînons manquants" de notre réseau routier, par exemple la liaison nord-sud dans le Limbourg. Pourquoi cela prend-il tellement de temps?
Lydia Peeters: C'est surtout une question de procédures administratives: plans, permis, expropriations… En Flandre, nous avons depuis 2014 un décret "projets complexes" dont la vocation est d'accélérer ces grands projets d'investissement grâce à une approche participative. Pourtant, cela prend encore souvent du temps. Et personne ne peut garantir que la décision ne sera pas attaquée. La liaison nord-sud, on en parle depuis 40 ans, et le plan Spartacus [plus de trains, trams et bus dans le Limbourg, n.d.l.r.] depuis 20 ans. Comment annoncer encore 10 ans d'études? Ce n'est pas crédible. Il faut accélérer les procédures existantes.
Au dernier salon de l'auto, de nombreux constructeurs ont mis la voiture électrique en avant. Mais certains acheteurs hésitent encore devant le manque d'infrastructures de recharge. Que souhaitez-vous faire à cet égard?
Lydia Peeters: Si le citoyen hésite, c'est aussi parce qu'il ne sait pas toujours clairement quel est le meilleur choix. Même les experts ne sont pas toujours d'accord. Personnellement, je crois en la voiture électrique, peut-être en guise de transition vers le moteur à hydrogène, mais cela, c'est l'avenir qui nous le dira. En tout état de cause, la part de la voiture électrique est bien inférieure en Flandre à ce qu'elle est dans les pays scandinaves, qui investissent depuis beaucoup plus longtemps dans les équipements de recharge. Je souhaite combler ce retard. Un appel d'offres est en cours pour des chargeurs rapides sur 13 aires d'autoroute, et dans le plan climat flamand, il est question de développer l'infrastructure de recharge. Pendant ce temps, bon nombre d'entreprises et de particuliers installent leurs propres bornes. C'est une bonne chose. Je suis sûre que nous allons rattraper notre retard.
Dans la vision du gouvernement flamand sur les transports publics, le concept de "mobilité de base" a fait place à un nouveau mot-clé, l'"accessibilité de base". Pouvez-vous nous expliquer la différence?
Lydia Peeters: Auparavant, nous partions du principe qu'il fallait partout en Flandre un maximum de transports publics. D'après le décret Mobilité de base, par exemple, il devait y avoir un arrêt de bus dans un rayon de 750 mètres autour de chaque maison en zone rurale.
À présent, notre approche ne repose plus sur l'offre mais sur la demande. Quelle est la vraie demande de mobilité, et comment y répondre? Nous avons défini quatre "couches de transport": le réseau ferroviaire, le réseau central et le réseau complémentaire de De Lijn, enfin le transport sur mesure (transport de groupes cibles, transports en fonction de la demande, transports scolaires, voitures et vélos partagés, taxis, n.d.l.r.).
Le transport sur mesure est particulièrement important pour garantir l'accessibilité de base en dehors des villes. Économiquement, cela ne tient pas debout de faire rouler des bus toute la journée avec une ou deux personnes à bord. Le transport sur mesure est une meilleure solution. Quant aux modalités de mise en œuvre, elles relèvent des 15 régions de transport flamandes. Ces régions de transport sont en train d'élaborer leurs plans. Celui de la Campine est déjà prêt. Les autres sont prévus pour l'été. Ensuite, De Lijn pourra commencer à exploiter ce nouveau réseau de transports publics fondés sur la demande.
De Lijn a connu la grève au début de l'année, et les chiffres de satisfaction reculent. Comment voyez-vous son avenir?
Lydia Peeters: De 2017 à 2019, De Lijn a accompli une transition. Certains services ont été centralisés. Les changements provoquent toujours des frictions. C'est ce qui explique notamment le mécontentement d'une partie du personnel. Les élections sociales de mai ne sont pas non plus étrangères aux grèves.
Ces dernières années, il y a eu, en effet, un vrai problème de personnel à cause de la vague de vieillissement. Il a fallu remplacer en même temps un grand nombre de personnes. Peut-être a-t-on manqué de proactivité. Mais sur le marché du travail actuel, il n'est pas facile de trouver du personnel. Malgré cela, De Lijn est parvenue à recruter l'an dernier 640 conducteurs de bus. De Lijn reste un employeur convoité.
À l'avenir, De Lijn devra redevenir une entreprise publique performante. Le voyageur y occupera une place centrale, avec priorité au confort et à la ponctualité.
Souhaitez-vous ici aussi dégager des moyens?
Lydia Peeters: Les plans de transport pour le réseau central et le réseau complémentaire doivent tenir compte du financement actuel. Je le redis: économiquement, cela n'a aucun sens de faire rouler des bus presque vides. Une ligne insuffisamment exploitée doit peut-être disparaître, ou voir sa fréquence réduite. C'est aux régions de transport qu'il incombe de faire ces choix, à partir des besoins locaux. Elles peuvent exprimer leurs souhaits, mais elles connaissent aussi la marge financière disponible. Pour le transport sur mesure, par exemple, nous dégageons chaque année 27,8 millions d'euros. Il ne faut pas que toutes les régions de transport demandent de l'argent en plus, en comptant sur le contribuable pour payer la note.
Autre maître-mot, la "combimobilité". En d'autres termes, pour un déplacement, on combine plusieurs moyens de transport. Comment voyez-vous concrètement cette évolution?
Lydia Peeters: Notre ambition est d'augmenter la part des moyens de transport durables. Nous allons mettre en place des "points mobi". Ces endroits facilement identifiables, conviviaux, permettront aux voyageurs de passer facilement d'un mode de transport à l'autre, par exemple du train ou du bus au vélo, électrique ou non, à la trottinette ou à la voiture partagée. Les points combi réuniront donc différents moyens de transport durables. C'est là que se trouve la différence avec les parkings de covoiturage, qui remplacent une série de voitures par un seul véhicule.
J'y crois fermement, surtout si nous associons les points mobi avec la Mobility as a Service (MaaS). Dans la formule MaaS, le Netflix de la mobilité, la possession de la voiture cède du terrain face aux services de mobilité qu'on utilise en fonction des besoins du moment. Avec une appli MaaS sur votre smartphone, vous pouvez calculer les options pour aller du point A au point B, sélectionner la plus durable et la plus avantageuse, et acheter directement tous les billets nécessaires ou faire les réservations.
Dans votre note de politique, on peut lire que la Flandre doit accomplir non seulement un "modal shift" mais aussi un "mental shift". Qu'entendez-vous par là?
Lydia Peeters: Souvent, nous prenons la voiture par habitude, parce qu'elle est là. Je prends souvent l'exemple de quelqu'un qui se rend en voiture dans un club de sport du voisinage. Nous savons que la marche et le vélo sont meilleurs pour la santé, mais ce n'est pas encore entré dans nos habitudes. Il faut un changement de réflexes. À nous de faire les bons choix pour des transports plus sûrs, plus efficaces et plus verts. À chaque déplacement, nous devrions nous demander quel est le moyen de transport le plus durable.
Mais ce mental shift, ce changement de mentalité ne sera possible qu'en présence d'alternatives adéquates et d'une infrastructure adaptée. Sans une bonne infrastructure, personne n'aura envie de prendre le vélo pour aller au travail. C'est la raison pour laquelle nos investissements dans l'infrastructure vélo seront portés à 300 millions d'euros en 2024. Nous donnons aussi la priorité aux endroits dangereux pour les usagers vulnérables. Nous éliminons les carrefours à risques. Nous refermons les brèches dans le réseau cycliste afin d'encourager le public à choisir le vélo (électrique) ou le speed pedelec.
Chaque jour, le trafic fait encore des victimes. Avez-vous des projets en matière de sécurité routière?
Lydia Peeters: En Flandre, nous dénombrons environ 300 accidents mortels par an. C'est inacceptable. Je tiens beaucoup à "Vision Zero 2050", un plan qui ambitionne de réduire à zéro le nombre de victimes de la route. Il y a trois conditions à cela. D'abord, il faut veiller à la sécurité de l'infrastructure. Nous y travaillons, comme nous l'avons vu. Mais nous avons aussi besoin d'un changement d'attitude. À cet égard, nous misons sur une bonne formation, très axée sur la conduite, sans oublier la sensibilisation des conducteurs.
Le troisième volet est celui du contrôle et du maintien. Ces dernières années, nous avons beaucoup investi dans les caméras ANPR pour le contrôle par tronçons au lieu des caméras installées aux feux rouges et autres radars. Souvent, cependant, les administrations locales préféreraient en certains endroits un radar pour contrôler la vitesse, par exemple à hauteur d'une école. À mon avis, cela devrait être possible. Les communes auront aussi le droit d'infliger elles-mêmes des sanctions administratives en cas d'excès de vitesse en zone 30 et en zone 50. Cela permettra de gérer les contraventions sans passer par la police.
Dernière question: comment gérez-vous vos propres déplacements? Donnez-vous l'exemple?
Lydia Peeters: Je prends la voiture pour me rendre à Bruxelles. Au départ de Dilsen-Stokkem, ce n'est pas évident par les transports en commun. La gare la plus proche est celle de Genk. Au total, cela me ferait un trajet de deux heures et quart. Avec la voiture, je quitte la maison très tôt pour devancer les embouteillages. Le parcours me prend une heure et quart. Ma voiture de service est une hybride rechargeable. J'ai une borne de recharge à la maison. Un véhicule tout électrique ne se prête pas encore aux distances que je parcours.
Chez moi, j'ai aussi un vélo électrique, que j'enfourche souvent en été. Louvain est peut-être la ville du vélo, mais le Limbourg est la première province flamande pour les cyclistes (rire).
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